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de l’Empire, qui avait ainsi ajouté pour auxiliaire la plume de Geoffroy, de Fiévée, de Feletz, et de tant d’hommes d’esprit, l’épée de Napoléon. »

Le Journal de l’Empire gagna en force et en puissance sous la direction de M. Fiévée, qui employait tous ses efforts à lui assurer cette prééminence intellectuelle déjà si universellement reconnue. Malheureusement l’espèce de trève signée entre le ministre de la police et le journal ne fut pas de longue durée ; les hostilités recommencèrent bientôt, plus vives, plus tracassières, et Fiévée dut quitter la partie. Étienne fut mis à sa place, et peu de temps après, Napoléon, qui avait en fait de propriété littéraire des principes d’une rare élasticité, s’empara du Journal de l’Empire et partagea cette riche proie entre quelques uns de ses dévoués.

Dès lors le Journal de l’Empire ne fut plus que ce que le maître voulut qu’il fût, attaquant par ordre, louant et blâmant suivant l’impulsion qui lui était donnée. Le feuilleton conserva seul sa liberté jusqu’à la mort de Geoffroy, qui mourut avec un rare à-propos quelques jours avant la chute de Napoléon.

On raconte, sur le passage d’Étienne au Journal de l’Empire, une anecdote qui lui fait trop d’honneur pour que nous la passions sous silence. Serviteur assez inflammable de l’empire, il ne lui sacrifia pourtant aucune de ses convictions, et dans l’occasion, comme le prouve notre anecdote, il sut résister au maître. Un jour entre autres, Napoléon, dans un de ses accès d’irritation contre l’Autriche, écrivit un article qui cassait les vitres, et l’envoya à Étienne avec ordre de l’insérer immédiatement au Journal de l’Empire. Effrayé du factum, le rédacteur court