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à déserter. J’agis en conséquence. Les soldats comme vous, j’en ai vu des centaines et des centaines ! Sur ces lits, il y a eu des tas de gens dont la seule maladie était le manque d’esprit militaire. Tandis que leurs camarades font la guerre, ils s’imaginent qu’ils n’ont qu’à se pieuter dans leurs lits et à bien manger à l’hôpital, en attendant la fin de la guerre. Mais tous ces gaillards se sont rudement trompés, comme vous d’ailleurs. Dans vingt ans encore vous vous réveillerez en gueulant quand vous rêverez au temps où vous avez essayé de m’avoir.

— Je vous déclare avec obéissance, monsieur l’oberartzt, fit un voix éteinte dans un lit près de la fenêtre, que je suis déjà guéri, j’ai déjà vu cette nuit que mon asthme avait tout à fait disparu.

— Comment vous appelez-vous ?

— Kovarik. Je dois passer au clystère.

— Bien. Mais votre clystère, vous l’aurez encore comme souvenir pour vous faire penser un peu à nous en partant, dit le docteur Grunstein. Je ne voudrais à aucun prix que vous puissiez dire qu’on ne s’est pas occupé de vous. Bon, et maintenant, tous les malades dont le nom vient d’être lu, suivront le sous-officier qui sait ce qu’il a à faire.

L’ordre fut exécuté et chacun des malheureux essuya son traitement. Si quelques-uns s’efforçaient d’attendrir l’exécuteur par des prières ou en le menaçant de se faire incorporer dans le service sanitaire et de lui en faire autant un jour, Chvéïk, lui, fit preuve d’un noble courage.

— Ne me ménage pas, dit-il au soldat qui lui administrait le clystère ; rappelle-toi ton serment. Si ton père ou ton frère étaient à ma place, tu serais