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et a dit que le soldat était le soldat, qu’il fallait faire son devoir sans rouspéter et que celui qui n’était pas content, commettait par cela même un « attentat contre la discipline ». – « Vous vous étiez imaginé, tas de canailles que vous êtes, qu’avec la commission il y aurait du bon, qu’il a dit, mais voilà, vous avez la peau ! Et maintenant, défilez, et chaque compagnie va répéter ce que j’ai dit. » Alors, les compagnies défilèrent devant le colonel et, arrivée à l’endroit où il se tenait sur son cheval, chacune d’elles criait à vous casser les oreilles : « Nous nous sommes imaginé, tas de canailles que nous sommes, qu’avec la commission, il y aurait du bon, mais voilà, nous avons la peau ! » Le colonel n’a fait que se tordre jusqu’au passage de la onzième compagnie. Elle avance en bon ordre, frappe du pied, mais arrivée devant le colonel, rien, silence, pas un mot. Le colonel est devenu rouge comme une écrevisse et la fait tout recommencer. La même histoire, personne ne souffle mot et tous les gars de la onzième, qui n’avaient pas froid aux yeux, reluquent effrontément le colonel. « Repos ! » qu’il dit alors, et il fait les cent pas à travers la cour, se tape avec sa cravache sur les jambières, crache dans tous les sens, et tout d’un coup il s’arrête et crie : Abtreten ! Après, il est remonté sur son cheval, et le voilà parti au galop par la grande porte. On attendait avec impatience ce qui allait se passer. On a attendu un jour, deux jours, une semaine, et toujours pas de nouvelles. On n’a plus jamais revu le colonel à la caserne. Tout le monde en était content, même les sous-off’s et les officiers. Puis il a été remplacé par un autre colonel et on racontait qu’on l’avait mis dans une maison de santé, parce