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vous fiche une fièvre à vous jeter par la fenêtre.

— Ce n’est rien, déclara quelqu’un ; il y a, à Vrsovice, une sage-femme qui, pour vingt couronnes seulement, vous démet la patte que vous en avez pour toute votre vie.

— À moi, on me l’a démise pour cinq couronnes, dit une voix venant d’un lit dans le fond de la salle, pour cinq couronnes et trois chopes de bière.

— Et moi, ma maladie me coûte déjà plus de deux cents, déclara son voisin, mince comme un jonc ; citez-moi n’importe quel poison et vous verrez si je n’en ai pas pris. Les poisons, ça me connaît. J’ai bu du sublimé, j’ai respiré des vapeurs de mercure, j’ai croqué de l’arsenic, j’ai bu du laudanum, j’ai mangé des tartines de morphine, j’ai avalé de la strychnine, j’ai gobé du vitriol et toutes sortes d’acides. Je me suis abîmé le foie, les poumons, les reins, la poche à fiel, le cerveau, le cœur et les boyaux.

— Pour ma part, ce qu’il y a de mieux, soupira un malheureux qui avait son lit près de la porte, c’est une injection au pétrole que vous vous piquez sous la peau de la main. Mon cousin a eu de la chance. Il s’est fait couper ainsi le bras jusqu’au coude et personne ne l’embête plus aujourd’hui avec le service militaire.

— Vous voyez bien vous-même, dit Chvéïk, qu’il faut supporter beaucoup pour S. M. l’Empereur. Le lavage de l’estomac aussi bien que le clystère. Quand je faisais mon service militaire, les conditions étaient pires. Un malade ? Pour le guérir on le ficelait et on le foutait au trou. Et là-dedans il n’y avait pas de lits et pas de crachoir comme ici. Une planche nue comme le mur, voilà ce