Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/90

Cette page n’a pas encore été corrigée

épilepsie soignée, du travail propre et bien fait. Mais voilà que tout d’un coup il attrape des furoncles, deux sur le cou, deux sur le dos, et la comédie a pris fin. Il ne pouvait plus remuer la tête, ni s’asseoir, ni se coucher. La fièvre l’a pris et, dans son délire, à la visite, il a raconté tout ce qu’il savait. Et qu’est-ce qu’il nous a passé, avec ses sacrés furoncles ! On l’a laissé encore trois jours, et on lui faisait le régime de première classe, du café avec un petit pain le matin, une soupe ou une purée le soir. Quelle chierie, mes enfants ! Nous autres, avec notre estomac bien nettoyé et affamés comme des loups qu’on était, on se plantait là à le regarder bouffer, faire claquer la langue, se gonfler, roter. Et il a fait encore trois victimes par-dessus le marché. Trois types qui simulaient une maladie de cœur, quand ils l’ont vu avouer, se sont fait balancer avec lui.

— Ce qu’il y a encore de mieux, dit un autre, c’est de simuler la folie. Dans la salle d’à côté, il y a deux instituteurs, mes collègues, qui prétendent être fous. L’un des deux gueule jour et nuit : « Le bûcher de Giordano Bruno est encore tout fumant, nous voulons la revision du procès de Galilée. » L’autre ne fait qu’aboyer, il commence toujours par répéter trois fois de suite : oua-oua-oua, il fait ensuite cinq fois : oua-oua-oua-oua-oua et puis il recommence le premier couplet. Ils font ce truc-là depuis trois semaines. Moi aussi, je voulais faire le fou, le fou religieux, et prêcher l’infaillibilité du pape, mais j’ai réussi à me procurer un cancer à l’estomac. C’est un coiffeur de Mala Strana qui me l’a refilé pour quinze couronnes.

— Je connais un ramoneur aux environs de Brevnov, dit un autre malade, et celui-là pour dix couronnes,