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manger ont suffi. Il avouait avant de passer au lavage de l’estomac et il ne se rappelait plus son apoplexie. Son copain, un type qui racontait avoir été mordu par un chien enragé, a résisté un peu plus longtemps. Il mordait et hurlait que c’était plaisir de l’entendre. Mais il n’arrivait pas à avoir l’écume à la gueule. On l’aidait de notre mieux. Quelquefois, nous l’avons chatouillé pendant une heure avant la visite jusqu’à lui donner des convulsions et à le faire devenir tout bleu. Peine perdue, pas d’écume à la gueule. C’était épouvantable. Le jour où il s’est vendu, à la visite du matin, il nous a fait pitié à nous tous. Il était raidi au pied de son lit, droit comme un cierge, et quand il a salué le médecin, il a dit : « Monsieur l’oberarzt[1], je vous déclare avec obéissance que le chien qui m’a mordu n’était probablement pas enragé du tout ». L’oberarzt l’a regardé avec de si drôles d’yeux que le mordu a commencé à trembler et a dit : « Je vous déclare avec obéissance, monsieur l’oberarzt, que ce n’est pas un chien qui m’a mordu. Je me suis mordu tout seul à la main ». Le paquet lâché, il est passé au conseil de guerre pour « automutilation », c’est-à-dire qu’il voulait se couper la main à force d’y mordre, pour ne pas aller au front.

— Toutes ces maladies, où il faut de l’écume à la gueule, déclara le simulateur gras, sont difficiles à imiter. Prenez l’épilepsie. Il y avait un type ici qui faisait l’épileptique. Il nous affirmait toujours que simuler une crise était pour lui un jeu d’enfant et qu’il pouvait en avoir une dizaine par jour. Il se tordait en convulsions, serrait les poings, faisait des yeux de crapaud, frappait autour de lui comme un fou, tirait la langue, bref, c’était une petite

  1. Médecin-chef.