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Le second journal allemand, la Bohemia, avait relaté le fait dans un article priant les citoyens allemands de récompenser l’ardeur du patriotique infirme et d’envoyer à l’administration du journal les cadeaux qu’ils lui destinaient.

En somme, à en croire ces trois journaux, le pays tchèque n’avait jamais produit un plus noble citoyen que M. Chvéïk. Malheureusement, ces messieurs de la commission de recrutement professaient à son égard une tout autre opinion.

Particulièrement le médecin-inspecteur Bautze. C’était un homme sans pitié qui voyait partout des tentatives de fraudes pour échapper au service militaire, au front, aux balles, aux shrapnells.

On connaît sa phrase célèbre : Das ganze tchechische Volk ist eine Simulantenbande[1]'.

Depuis les dix semaines de son activité, il avait repéré, sur un chiffre d’onze mille soldats, dix mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf simulateurs, et le dernier soldat n’y aurait pas coupé non plus si, au moment où Bautze lui criait : Kehrl Euch ![2] il n’avait pas succombé à un coup de sang.

— Enlevez-moi ce simulateur, dit Bautze, après avoir constaté que le pauvre bougre était mort.

C’est donc devant lui que se présenta Chvéïk en ce jour mémorable, et, nu qu’il était, il couvrait chastement sa nudité en croisant les béquilles qui le soutenaient.

Das ist wirklich ein besonders Feigenblatt[3], dit Bautze ; je crois qu’au Paradis il n’y en avait pas comme ça.

— Réformé pour idiotie, lut le sergent dans le dossier.

— Et qu’est-ce que vous avez encore ? questionna Bautze.

  1. Tout le peuple tchèque est une bande de simulateurs.
  2. Demi-tour !
  3. C’est vraiment une feuille de vigne d’une espèce particulière.