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avait maigri à vue d’œil et ne cessait de pleurer.

Et c’est ainsi qu’arriva le jour historique où les rues de Prague virent un émouvant spectacle.

Une vieille femme poussait devant elle un ancien triporteur occupé par un homme qui, coiffé d’une casquette militaire qu’ornait « le petit François », brillant de mille feux, agitait frénétiquement une paire de béquilles.

Ses béquilles toujours en bataille, l’homme criait à tue-tête par les rues de Prague :

— À Belgrade ! À Belgrade !

Sa voiturette était suivie par une foule de badauds dont le nombre augmentait sans cesse.

En route, Chvéïk constatait que les agents postés à divers carrefours lui faisaient le salut militaire.

Sur la place Saint-Venceslas son cortège comptait déjà plusieurs centaines de têtes et au coin de la rue Krakovska, un bourchak fut fortement malmené parce qu’il avait crié :

Heil ! Nieder mit den Serben ![1]

Au coin de la rue Vodickova un détachement de policiers à cheval chargea contre la foule qui accompagnait Chvéïk.

L’inspecteur de district, à qui Chvéïk présenta ses documents où on pouvait lire, « noir sur blanc » qu’il était appelé, pour le jour même, à comparaître devant la commission, fut un peu déçu et, pour empêcher le « rassemblement sur la voie publique », ordonna à deux agents d’escorter Chvéïk jusqu’à l’île des Tireurs.

L’incident fut relaté et commenté le lendemain par la Presse. C’est ainsi que La Gazette Officielle de Prague publia l’entrefilet suivant :

  1. Chair à canon.