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je l’envoie chier, répondit poliment Palivec en allumant sa pipe. S’occuper des affaires de ce genre-là aujourd’hui, ça pourrait vous casser les reins. Je suis commerçant, n’est-ce pas ? et, quand quelqu’un vient pour me demander de la bière, je suis à son service. Mais n’importe quel Saraïévo, la politique ou feu notre archiduc, tout ça ne fait pas notre affaire. Ça ne peut rapporter qu’un séjour à Pankrac.

Déçu dans son attente, Bretschneider se tut et regarda autour de la salle vide.

— Dans le temps, vous aviez ici un tableau représentant notre empereur, reprit-il après un moment de silence ; il était accroché juste là, où il y a maintenant la glace.

— Ça, vous avez raison, riposta le patron. Mais, comme les mouches chiaient dessus, je l’ai fait enlever et mettre au grenier. Vous comprenez, il vient du monde ici, et il pourrait arriver facilement qu’on fasse une réflexion désobligeante, et ça me vaudrait des emmerdements. Est-ce que j’en ai besoin, moi ?

— Il n’y a pas à dire, ça n’a pas dû être drôle, ce Saraïévo de malheur, patron ?

À cette question qu’il sentit brûlante, Palivec répondit évasivement :

— À c’te époque-là, fit-il, il fait en Bosnie et en Herzégovine des chaleurs formidables. Quand j’y faisais mon service militaire, on mettait tous les jours de la glace sur la tête de notre colonel.

— Dans quel régiment avez-vous servi, patron ?

— Je ne me charge pas la mémoire avec des bêtises pareilles. Je ne me suis jamais occupé d’une telle foutaise et, du reste, je ne suis pas curieux