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je représente un morceau de kanonefutter[1] assez potable et, du reste, à une époque où l’Autriche dégringole, tous les manchots, les jambes de bois, les paralytiques, les culs-de-jatte et tous les infirmes doivent être à leur place. Continuez tranquillement à faire votre café.

Et tandis que Mme  Muller, toute tremblante, versait le café dans sa tasse, en y mêlant ses larmes amères, le brave soldat Chvéïk se mit à chanter dans son lit :

Le général Windischgraetz et les autres commandants
Ont commencé la bataille au soleil levant.
Hop, hop, hop !
Ont commencé à se battre et ont poussé des cris :
Jésus-Christ, aidez-nous avec la Vierge Marie,
Hop, hop, hop !

La logeuse épouvantée par ce chant de guerre, oublia tout à fait son café et, faisant effort pour se tenir sur ses jambes qui lui rentraient dans le corps, écoutait bouche bée le « chant » que Chvéïk continuait à hurler :

Avec la Vierge Marie et avec nos quatre ponts !
Où sont tes avants-postes, ô Piémont ?
Hop, hop, hop !
La bataille a eu lieu là-bas à Solférino,
Il y coulait du sang comme s’il tombait de l’eau,
Hop, hop, hop !
Comme s’il pleuvait du sang et de la chair en tas,
Car c’est le dix-huitième qui se battait là-bas.
Hop, hop, hop !
Ô les gars du dix-huitième, y a du bon pour vous !
Les voitures pleines de pèze vous suivent partout,
Hop, hop, hop !

  1. Chair à canon.