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Et quand la logeuse, accourue à son appel, s’arrêta devant le lit, Chvéïk reprit de la même voix :

— Asseyez-vous, M’ame Muller, s’il vous plaît.

La voix de Chvéïk prit quelque chose de mystérieux et de solennel.

Il déclara en se dressant sur son lit :

— Je pars au régiment !

— Vierge Marie ! s’écria Mme Muller ; et qu’est-ce que vous y ferez, à ce régiment, M’sieur le patron ?

— Je m’en vais faire la guerre, répondit Chvéïk d’une voix sépulcrale, l’Autriche est dans un pétrin abominable. À l’Est, les Russes sont à deux doigts de Cracovie et foulent le sol hongrois. Mais nous sommes battus comme du linge, ma pauvre M’ame Muller, et voilà pourquoi l’Empereur m’appelle sous le drapeau. J’ai lu hier dans les journaux que de sombres nuées s’amassaient à l’horizon de notre chère Autriche-Hongrie.

— Mais puisque vous ne pouvez pas bouger, M’sieur le patron ?

— C’est pas un prétexte pour manquer à son devoir, M’ame Muller. Je me ferai pousser en petite voiture. Vous connaissez le confiseur du coin de notre rue ? Eh bien, il en a, un petit truc comme ça. Il y a quelques années, il s’en servait pour faire prendre le frais à son grand-père. Vous irez le voir de ma part, et vous lui demanderez de me prêter sa voiture, et vous me roulerez devant ces messieurs.

Mme Muller éclata en sanglots :

— Si j’allais trouver un médecin, M’sieur le patron ?

— Ne bougez pas, M’ame Muller. Sauf mes jambes,