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— C’est pas la peine d’en parler tout le temps, répondit Chvéïk ; la victoire est à nous, c’est certain, mais maintenant il faut que je rentre. Il est temps.

Chvéïk paya ses consommations et se dirigea vers le logis que gouvernait Mme Muller. Celle-ci le reconnut avec beaucoup d’étonnement.

— Je croyais que vous ne reviendriez pas avant quelques années, M’sieur le patron, dit-elle avec sa franchise habituelle : et, pour sortir un peu de mes idées noires, j’ai pris comme sous-locataire un portier d’un bar de nuit. On est venu trois fois au nom de la Police pour fouiller votre chambre et, comme ces messieurs n’ont rien pu trouver, ils m’ont dit que vous vous étiez mis dedans parce que vous étiez trop malin.

Chvéïk put constater que l’inconnu était déjà installé tout à fait comme chez lui. Il reposait dans le lit de Chvéïk et devait avoir bon cœur, car il s’était privé d’une moitié du lit au bénéfice d’une personne à longs cheveux, qui, sans doute, par reconnaissance, enlaçait de ses bras nus le cou du portier, tandis que sur le plancher traînaient, pêle-mêle, divers vêtements et sous-vêtements masculins et féminins. Ce désordre disait assez clairement que le couple était rentré de bonne humeur.

— Hé ! monsieur, s’écria Chvéïk en secouant le portier endormi, levez-vous ; vous allez être en retard pour votre déjeuner. Je ne voudrais pas que vous alliez dire partout que je vous ai foutu à la porte à l’heure où vous ne trouviez plus rien à manger.

L’homme ouvrit les yeux et mit du temps à comprendre