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m’ont dit que, vu mes « rapports de parenté » avec mon mari, je pouvais renoncer à témoigner. Ces « rapports de parenté » m’ont donné une telle frousse que j’ai pensé qu’il y avait Dieu sait quoi là-dessous, et alors j’ai mieux aimé renoncer. Lui, le pauvre vieux, m’a regardée avec des yeux que je verrai encore à ma dernière heure. Et puis, après le verdict, quand on l’a emmené, il a encore crié dans le corridor, tellement ils l’avaient abruti : « Vive la Libre Pensée ! »

— Et M. Bretschneider ne vient plus ici ? demanda Chvéïk.

— Si, il est venu plusieurs fois depuis. Il m’a demandé chaque fois si je connaissais bien les gens qui venaient à la taverne, et il a écouté ce que les clients disaient. Bien sûr, ils n’ont jamais parlé que de football. Ils parlent toujours de ça chaque fois qu’ils le voient arriver. Vous devriez le voir, il ne peut pas tenir en place, il se tortille comme un ver, et on voit bien qu’il voudrait faire du potin, tellement il est en rogne. Depuis le malheur de mon mari, il a pincé en tout et pour tout un ouvrier tapissier de la rue Pricna.

— Question d’entraînement que tout ça, observa Chvéïk ; est-ce que ce tapissier était un type à la noix ?

— À peu près comme mon mari, répondit Mme Palivec qui n’arrêtait pas de pleurer. Bretschneider lui avait demandé s’il se sentait disposé à tirer sur les Serbes. Le tapissier a répondu qu’il n’était pas un fameux tireur, qu’il n’avait jamais mis les pieds au tir qu’une seule fois et que le coup était cher, qu’une cartouche y était vite perdue, il en savait quelque chose. Alors, tout de suite, Bretschneider a pris son carnet et a dit : « Tiens,