Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/65

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tiens, dit Chvéïk, il y a donc déjà huit jours de faits, autant de pris sur l’ennemi.

— Lui qui était prudent ! sanglota Mme Palivec ; au moins, il disait toujours qu’il l’était.

Les autres clients se taisaient obstinément, comme si le spectre de Palivec eût été présent parmi eux, les invitant à la prudence.

— Prudence est mère de sûreté, dit Chvéïk en prenant sa place devant une chope de bière dont la mousse était trouée en plusieurs endroits, trace des larmes de Mme Palivec. À c’te heure, c’est le moment d’être prudent ou jamais.

— Hier, il y a eu deux enterrements chez nous, dit le sacristain de Saint-Apollinaire pour changer de conversation.

— Probable que quelqu’un sera mort, observa judicieusement le deuxième buveur ; et le troisième demanda :

— Est-ce que c’était des enterrements avec catafalque ?

— Je suis curieux de savoir, dit Chvéïk, comment seront maintenant, à la guerre, les enterrements militaires ?

À ces mots, les autres clients se levèrent, payèrent et partirent. Chvéïk demeura seul avec Mme Palivec.

— C’est la première fois, dit-il, que je vois condamner un homme innocent à dix ans de prison. Cinq ans, passe encore, mais dix, c’est un peu fort de café.

— Mais il a tout avoué, raconta Mme Palivec toujours en larmes ; cette sacrée histoire de mouches et de portrait, il l’a répétée à la Police et au Tribunal. J’ai assisté aux débats comme témoin, mais que voulez-vous ! j’ai pas pu témoigner. Ils