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— Je regrette beaucoup, dit un de ces fauves rayés jaune et noir, lorsqu’on lui amena Chvéïk, que vous soyez revenu entre nos mains. Nous étions convaincus que vous alliez profiter de la leçon, mais je m’aperçois que c’était une erreur.

Chvéïk fit « oui » de sa tête, et son visage reflétait une telle innocence que le fauve jaune et noir le considéra d’un air interrogateur et dit :

— Ne faites pas l’imbécile, voulez-vous ?

Et, sans aucune transition, il continua de son ton aimable :

— Il nous est très désagréable de vous garder en détention et je puis vous assurer que, selon moi, votre affaire n’est pas si grave, car, étant donné le peu d’intelligence que vous avez manifesté, il n’est pas douteux que vous agissez sous une mauvaise influence. Dites-moi, monsieur Chvéïk, qui vous a conseillé de faire des bêtises pareilles ?

Chvéïk toussa et répondit :

— Veuillez me croire, s’il vous plaît ; je ne me rends compte d’aucune bêtise que j’aurais faite.

— Comment ! ce n’est pas une bêtise, monsieur Chvéïk, reprit le policier de son ton faussement paternel, de provoquer des rassemblements – comme il résulte du procès-verbal de l’agent qui vous a conduit ici – devant l’affiche de la Proclamation de Sa Majesté aux citoyens et d’exciter les passants par des cris comme : « Gloire à l’Empereur François-Joseph ! C’te guerre, nous la gagnerons ! »

— Ce n’est pas ma faute, riposta Chvéïk en levant ses yeux candides sur le questionneur ; ç’a été plus fort que moi quand j’ai vu que tant de gens