Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/6

Cette page n’a pas encore été corrigée

chef, sous prétexte que ses pantalons tombaient. Et dame ! pourquoi attendre que le conseil de guerre vous condamne à mort, n’est-ce pas ? Vous comprenez, M’ame Muller, que, dans des circonstances pareilles, on perd la tête. Le gardien-chef a été dégradé et il a attrapé six mois de prison. Mais il n’a pas pourri au violon. Il a foutu le camp en Suisse où il a trouvé un poste de prédicant de je ne sais plus quelle Église. Les gens honnêtes sont rares aujourd’hui, vous savez, M’ame Muller. On se trompe facilement. C’était certainement le cas de l’archiduc Ferdinand. Il voit un monsieur qui lui crie « Gloire ! » et il se dit que ça doit être un type comme il faut. Mais voilà, les apparences sont trompeuses… Est-ce qu’il a reçu un seul coup ou plusieurs ?

— Il est écrit sur les journaux, M’sieur le patron, que l’archiduc a été criblé de balles comme une écumoire. L’assassin a tiré toutes ses balles.

— Parbleu ! On va vite dans ces affaires-là, M’ame Muller. La vitesse, c’est tout. Moi, en pareil cas, je m’achèterais un browning. Ça n’a l’air de rien, c’est petit comme un bibelot, mais avec ça vous pouvez tuer en deux minutes une vingtaine d’archiducs, qu’ils soient gros ou maigres. Entre nous, M’ame Muller, vous avez toujours plus de chance de ne pas rater un archiduc gras qu’un archiduc maigre. On l’a bien vu au Portugal. Vous vous rappelez cette histoire du roi troué de balles ? Celui-là était aussi dans le genre de l’archiduc, gros comme tout. Dites donc, M’ame Muller, je m’en vais maintenant à mon restaurant Au Calice. Si on vient pour le ratier – j’ai déjà touché un petit acompte sur le prix, – vous