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est plutôt triste, je le reconnais. Vous êtes sans doute convaincu que vous allez perdre votre place, si je comprends ?

— Comment voulez-vous que je vous le dise, soupira l’homme, puisque je ne sais même pas ce qui s’est passé cette nuit ? Je me rappelle seulement qu’à la fin nous sommes allés dans une boîte d’où on m’a mis à la porte et où j’ai voulu à toute force entrer pour allumer mon cigare. Et pourtant la soirée avait si bien commencé ! C’était la fête de notre chef de bureau et il nous avait donné rendez-vous chez un marchand de vin. De là, on est allé chez un autre bistro, puis chez un troisième un quatrième, un cinquième, un sixième, un septième, un huitième, un neuvième…

— Désirez-vous que je vous aide à compter ? demanda Chvéïk ; je m’y connais, vous savez ! Une fois, j’ai fait vingt-huit boîtes dans une seule nuit. Mais il faut que je le dise, dans chacune, je n’ai pas pris plus de trois demis de bière.

— En somme, reprit le petit employé dont le chef avait eu l’idée de fêter son saint en faisant la noce, après avoir fait une douzaine de ces bistros de malheur, nous nous sommes aperçus que le chef avait disparu, quoique, pour ne pas le perdre, nous l’ayons attaché à une corde, de sorte qu’il nous suivait comme un petit chien. Nous sommes retournés chez tous les bistros où on avait été avec lui, mais à force de chercher nous nous sommes encore perdus les uns les autres. À la fin, je me suis trouvé dans un bar de nuit à Vinohrady, un local très convenable, où j’ai bu je ne sais plus quelle liqueur à même la bouteille. Ce