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ayez pitié de moi… ». Au-dessous, quelqu’un avait écrit : « Je vous em… », mais il s’était ravisé en remplaçant le dernier mot par : « … envoie au diable ». Une âme poétique s’exprimait ainsi :

Assis sur le bord d’un petit ruisseau,
Je regarde tristement le coucher du soleil,
En pensant à l’amour qui passe comme cette eau,
À l’amour de ma vie qui maintenant s’en bat l’œil.

L’homme qui n’avait pas cessé d’aller de la porte au lit comme s’il s’entraînait en vue du marathon, s’arrêta essoufflé et reprit sa place sur le lit. Plongeant sa tête dans ses mains, il hurla tout à coup :

— Lâchez-moi !

Et il continua à monologuer :

— Mais non, ils ne me lâcheront pas, bien sûr. Et pourtant je suis ici depuis six heures du matin.

En veine de confidences, il se dressa et demanda à Chvéïk :

— Vous n’auriez pas, par hasard, une ceinture sur vous pour que j’en finisse ?

— Si, et je vous la prêterai volontiers, répondit Chvéïk en quittant sa ceinture, d’autant plus que je n’ai encore jamais vu comment on fait pour se pendre dans une cellule. Ce qui est embêtant, continua-t-il en regardant autour de lui, c’est qu’il n’y a pas un seul piton ici. La poignée de la fenêtre ne suffira pas, à moins de vous pendre à genoux comme ce moine du couvent d’Emmaüs à Prague, qui s’est accroché à un crucifix à cause d’une petite Juive. Les suicidés, ça me plaît. Allez-y !

L’individu maussade à qui Chvéïk tendit aimablement