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naissance et mon certificat d’origine en ordre.

— Je crois, reprit Chvéïk, que dans tout ça il faut être juste. Tous le monde peut se tromper, et, plus on réfléchit aux choses, plus on se trompe. Les médecins-légistes, c’est des gens comme nous autres, et ils sont fautifs tout comme nous autres. Une fois, il était minuit, je rentrais chez moi – j’avais poussé ma promenade jusque chez le bistro Banzet – quand tout d’un coup, à la hauteur du pont qui traverse le Botic à Nusle, arrive un monsieur qui d’un coup de matraque m’envoie rouler par terre. Il tire ensuite sa lampe de poche éclaire mon visage et dit : « Je me suis encore trompé, c’est pas lui ! » Et il était tellement en rogne de son erreur qu’il m’a fichu encore un autre coup dans le dos. Mais c’est le naturel des hommes : tant qu’on vit on se trompe ! Il y avait une fois un monsieur qui avait trouvé, la nuit, un chien enragé crevant de froid. Il l’a pris dans ses bras et, arrivé chez lui, il l’a mis dans le lit où dormait sa femme, pour réchauffer un peu la pauvre bête. Oui, mais dès que le chien a été réchauffé et remis sur ses pattes, il a commencé à mordre jusqu’à plus soif dans tout ce qu’il a trouvé. Toute la famille du monsieur y a passé jusqu’au petit qui dormait dans son berceau, et dont cette sale bête enragée n’a rien laissé. Je peux encore vous raconter une histoire qui est arrivée à un tourneur en bronze. Ce type-là, croyant se trouver devant la porte de la maison qu’il habitait, a ouvert avec sa clef la porte de la chapelle de Podol. Il a ôté ses chaussures et, prenant l’autel pour son lit, il s’est couché dessus. Il s’est couvert avec un gonfalon et des nappes d’autel et, comme oreiller, il s’est servi de l’Évangile et encore d’autres livres saints,