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-chaussée pour être présentés aux Ponce-Pilates de l’an mil neuf cent quatorze. Et les juges instructeurs, ces Pilates de la nouvelle époque, au lieu de se laver les mains pour se disculper, se faisaient apporter du paprika et de la bière de Pilsen et remettaient continuellement au Procureur impérial les actes d’instruction préalable, rédigés par eux.

C’est là que disparaissait la logique et que l’on voyait le § triompher, le § vous étrangler, le § faire une tête idiote, le § cracher, le § se tordre de tout, le § se faire menaçant et le § impitoyable. Ces magistrats n’étaient que des jongleurs de la loi ; des sacrificateurs aux lettres mortes des Codes ; des mangeurs d’inculpés ; des tigres de la jungle autrichienne, qui d’après les numéros du paragraphe mesuraient le bond à faire pour s’emparer de leur victime.

Il y avait cependant une exception à la règle. Quelques messieurs (ils étaient, du reste, quelques-uns à la Direction de la Police) ne prenaient pas la loi trop au sérieux, mais on trouve partout du bon grain parmi l’ivraie.

C’est devant une exception de ce genre que l’on conduisit Chvéïk pour lui faire subir son interrogatoire. C’était un homme excellent, de mine débonnaire, ayant eu son heure de célébrité au moment où il avait été chargé d’instruire l’affaire de l’assassin Vales. Il ne manquait jamais de dire chaque fois à ce dernier : « Veuillez vous asseoir, monsieur Vales, il y a justement une chaise de libre ».

Tandis qu’on lui amenait Chvéïk, il l’invita avec sa bonhomie coutumière à prendre place, lui aussi, et dit :