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attendait commodément installé dans le bureau.

— Je constate mon cher lieutenant, qu’il y a deux ans, vous avez demandé à être transféré au quatre-vingt-onzième de ligne à Boudéïovice. Savez-vous où se trouve Boudéïovice ? Sur la Veltava, oui, sur la Veltava qui a pour affluent l’Oder ou un autre fleuve. La ville est grande, je dirai même avenante et, si je ne me trompe pas, il y a un quai. Savez-vous ce que c’est qu’un quai ? C’est un gros mur bâti sur le bord de l’eau. Du reste, ça n’a pas de rapport. On y a été aux manœuvres.

— Savez-vous que mon chien s’est complètement gâté chez vous, continua-t-il après une pause sans toutefois détourner ses yeux de l’encrier. Il ne veut plus rien manger. Tiens, il y a une mouche dans l’encrier. C’est malheureux, même en hiver de voir les mouches dans les encriers. Quel manque d’ordre !

Irrité par les détours de la conversation, le lieutenant pensait :

— Fiche-moi la paix, à la fin, vieille barbe ! Qu’est-ce que tu attends, bon Dieu. Je sais très bien où tu veux en venir.

— Eh bien, lieutenant, dit enfin le colonel après s’être promené de long en large, j’ai longtemps réfléchi quelle mesure j’avais à prendre pour que cette histoire ne puisse pas se répéter et je me suis souvenu de votre demande de transfert au quatre-vingt-onzième. Et comme, d’autre part, le haut commandement se plaint de manque d’officiers, les Serbes les ayant tués tous, j’ai pensé à vous. Je vous donne ma parole d’honneur que d’ici trois jours vous aurez rejoint votre quatre-vingt-onzième à Boudéïovice où on est justement