Il se tourna vers le monsieur sévère :
— Dois-je signer encore quelque chose ? dit-il, ou bien faut-il que je repasse demain matin ?
— Demain matin, répliqua le conseiller, vous serez transporté au Tribunal criminel.
— À quelle heure, s’il vous plaît, honoré M’sieur ? J’ai peur de trop dormir. Il est possible que je me réveille en retard.
— Foutez-moi le camp !
— Ça marche comme sur des roulettes ! déclara Chvéïk, tout satisfait, au gardien qui le reconduisait vers son nouveau domicile à grilles.
La porte refermée sur lui, il fut pressé de questions, auxquelles il répondit sans barguigner :
— Je viens de reconnaître qu’il se peut que j’aie assassiné l’archiduc Ferdinand.
Effarés, les six hommes se blottirent sous leurs couvertures pouilleuses. Seul, le Bosniaque déclara :
— Dobro docheli ![1]
En se mettant au lit, Chvéïk déclara encore :
— C’est bête qu’on n’ait pas de réveille-matin ici !
Mais le lendemain on le réveilla sans réveille-matin, et, à six heures précises, le panier à salade le transportait au Tribunal criminel.
— Heure du matin, heure du gain ! fit Chvéïk à ses co-voyageurs, pendant que le panier à salade passait le seuil de la Direction de la Police.
- ↑ Jurons populaires bosniaques.