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en contemplant les côtelettes qui faisaient ressembler le colonel à un orang-outang.

— Faites un bout de chemin avec moi, lieutenant, proposa le colonel.

Marchant l’un à côté de l’autre, ils eurent l’agréable conversation suivante :

— Au front, lieutenant, impossible qu’une chose pareille vous arrive encore une fois. Oh ! oui, à l’arrière, c’est certainement très agréable de se promener avec des chiens volés. Oui. Se promener avec le chien d’un supérieur. Et à un moment où nous perdons des officiers par centaines sur les champs de bataille. Ici, les officiers ne lisent pas même les annonces. Comme ça, j’aurais pu continuer à mettre mes annonces pendant cent ans. Pendant deux cents ans, trois cents ans…

Le colonel se moucha avec bruit, ce qui, chez lui, était toujours le signe d’une grande excitation nerveuse.

— Vous pouvez continuer votre promenade tout seul maintenant, dit-il au lieutenant.

Il tourna sur ses talons et s’en alla en fouettant avec sa cravache le bas de son manteau.

Le lieutenant Lucas passa sur l’autre trottoir, mais là encore il entendit le halt ! du colonel. Celui-ci venait d’interpeller un réserviste qui, pensant à sa femme et à ses enfants, avait omis de saluer.

Le colonel Kraus l’emmenait à la caserne, en le traitant de « cochon maritime ».

— Qu’est-ce que je pourrais bien faire à ce crétin de Chvéïk ? se demanda le lieutenant Lucas. Je lui casserai la gueule, bien entendu, mais ça ne suffira pas. Même si je découpais sa peau en minces