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contre les mitrailleuses, et une fois même, à l’occasion des manœuvres « impériales » dans le Sud de la Bohême, le colonel réussit à s’égarer avec ses hommes dans un coin de la Moravie où il erra encore plusieurs jours après la fin des opérations. Mais on ne lui fit pas d’histoires.

Les relations amicales du colonel avec le commandement en chef et avec d’autres hautes personnalités militaires, également abruties, de la vieille Autriche, lui avaient valu diverses décorations et distinctions dont il était extrêmement fier et à cause desquelles il se considérait comme un excellent soldat et comme un des meilleurs théoriciens de la stratégie et de toutes les sciences militaires.

Aux revues, il aimait à adresser la parole aux soldats pour leur poser une même et unique question :

— Pour quelle raison appelle-t-on « manlicher » le fusil qui est en usage dans notre armée ?

Aussi le régiment l’avait surnommé « le crétin au manlicher ». Il était particulièrement vindicatif, entravait la carrière des officiers qui étaient sous ses ordres quand ils lui déplaisaient, et, quand l’un d’eux voulait se marier, il transmettait leur demande en haut lieu avec un commentaire très défavorable. La moitié de l’oreille gauche lui manquait, ayant été coupée en sa jeunesse, dans un duel avec un officier qui s’était borné à constater la bêtise incommensurable de Frédéric Kraus.

Si nous analysons ses facultés intellectuelles, nous acquerrons la conviction qu’elles étaient du même degré qui a valu à François-Joseph Ier, le bouffi