Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/284

Cette page n’a pas encore été corrigée

bas de son pantalon. Mais la muselière l’en empêchait. Soudain, comme s’il eût flairé les intentions de Chvéïk, il s’assombrit et se mit à marcher l’oreille basse à côté de lui. De temps en temps il levait sur Chvéïk un regard torve, comme s’il voulait exprimer : « Je sais ce qui m’attend. Ce n’est pas gai du tout ! »

Chvéïk apprit encore que la servante sortait aussi le chien tous les soirs vers six heures, au même endroit ; qu’elle avait retiré sa confiance à la population mâle de Prague, parce que, ayant mis une fois une annonce dans un journal pour trouver un mari, un serrurier de Prague lui avait répondu en lui promettant de l’épouser et avait fini par disparaître avec huit cents couronnes, le petit pécule de la fiancée. Elle lui dit aussi qu’à la campagne les gens étaient plus honnêtes ; que, si elle devait se marier, elle prendrait pour mari un paysan, mais qu’elle n’y penserait qu’après la guerre seulement, parce que les mariages de guerre étaient une bêtise, les femmes de soldats devenaient veuves pour la plupart.

Chvéïk lui donna le ferme espoir qu’elle le reverrait vers six heures, et s’en alla informer son ami Blahnik que le chien mangeait toutes les sortes de foie.

— Je vais le régaler de foie de bœuf, décida Blahnik ; c’est comme ça que j’ai déjà eu le St-Bernard au fabricant Vydra, un clebs qui ne connaissait que son maître. Demain, tu auras ton griffon sans faute.

Blahnik tint parole. Le lendemain matin Chvéïk avait à peine terminé la chambre qu’il entendit la voix d’un chien à la porte, et son camarade pénétra dans l’antichambre, en traînant par le