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affaire. Et c’est un griffon d’écurie, aussi vrai que toi tu es Chvéïk et moi Blahnik. Tâche moyen de savoir ce qu’il bouffe et tu l’auras sans faute.

Les deux amis trinquèrent encore une fois. Ils se connaissaient depuis longtemps. En temps de paix, quand Chvéïk gagnait sa vie en vendant des chiens, Blahnik était son fournisseur attitré. Ce collectionneur de chiens à bon marché était vraiment un spécialiste. On racontait qu’il achetait, sous main, à la fourrière de Pankrac, des chiens soupçonnés d’avoir la rage, et qu’il les revendait après les avoir habilement camouflés, sinon guéris. On disait qu’il lui était souvent arrivé de présenter les symptômes de la rage et que tout le monde le connaissait à l’Institut Pasteur de Vienne. Aujourd’hui, il considérait comme un devoir d’amitié de rendre ce service à Chvéïk, sans en tirer aucun profit. Il savait le nom de tous les chiens de Prague. Sa longue conversation avec Chvéïk avait lieu à voix basse : quelques mois auparavant, Blahnik avait emporté sous son paletot le ratier du patron de la taverne, et craignait de se faire remarquer. Le ratier qui était alors tout petit, s’était laissé prendre à un biberon que Blahnik lui avait discrètement tendu sous la table. La pauvre petite bête s’étant crue au sein de sa mère, n’avait fait aucun bruit pendant qu’on l’emportait.

Par principe, Blahnik ne volait que des chiens de race, et ses connaissances approfondies lui auraient mérité un poste d’expert-juré auprès du Tribunal de Prague. Tous les éleveurs renommés se fournissaient chez lui, sans parler de sa clientèle privée qui était aussi très nombreuse. Il arrivait souvent que les chiens qui devaient à ses soins