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que je gagnais par an avant la guerre, et ce que je gagne maintenant ?

Il s’interrompit, puis, fixant toujours son regard furieux sur le lieutenant qui s’amusait placidement à souffler des anneaux de fumée qui se rompaient les uns contre les autres, il reprit :

— Ne vous imaginez pas que je ne suive pas les événements. Pourquoi les Allemands ont-ils reculé à la frontière quand ils étaient déjà devant Paris ? Et pourquoi ce duel d’artillerie acharné dans les régions entre la Meuse et la Moselle ? Savez-vous qu’à Combes et à Wœwre près de Marche trois brasseries sont brûlées, trois brasseries qui nous commandaient cinq cents sacs de houblon par an ? Dans les Vosges, une brasserie aussi est détruite, celle de Hartmansweiler, et une autre encore à Niederspach près de Mulhouse. Ça fait, en tout, douze cents sacs en moins par an. La brasserie de Klosterhœk a été six fois le théâtre de violents combats entre les Allemands et les Belges, trois cent cinquante sacs par an.

Son agitation augmentait tellement qu’il n’était plus en état de parler. Il se leva, s’approcha de sa femme et lui dit :

— Katy, tu vas t’en aller avec moi chez nous. Habille-toi.

— Vous ne pouvez pas vous imaginer combien tous ces événements m’énervent, ajouta-t-il pour s’excuser ; dans le temps j’étais beaucoup plus calme.

Mme  Wendler partit dans la chambre à coucher pour se vêtir, et son époux dit encore au lieutenant :

— Ce n’est pas la première fois qu’elle me plaque comme ça. L’année dernière, elle est partie avec un