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Le marchand de houblon s’empressa d’affirmer qu’il avait tout très bien compris. Mais il avait compris surtout que le lieutenant voyait dans le reproche fait à sa fantasque épouse une allusion à leurs amours adultères. Il ne se départit donc point de son calme et de sa politesse, et reprit sa place devant la table.

— Cette guerre, ajouta-t-il, nous a fait perdre tous les débouchés de notre houblon à l’étranger. La France, la Grande-Bretagne, la Russie et les Balkans, autant de pays perdus pour notre exportation. Il ne nous reste que l’Italie, mais je crains qu’elle n’entre dans la danse, elle aussi. Ce qui me console un peu, c’est que quand nous aurons gagné la guerre nous pourrons dicter les prix dans le monde entier.

— L’Italie gardera strictement sa neutralité, dit le lieutenant pour le tranquilliser, c’est…

— Pourquoi alors, interrompit le marchand, pris d’une colère subite, car tout : le houblon, l’épouse et la guerre s’embrouillait dans sa tête, ne proclame-t-elle pas loyalement qu’elle est liée à l’Autriche-Hongrie et à l’Allemagne par les traités de la Triple-Alliance ? J’avais cru que l’Italie allait attaquer la Serbie. Alors la guerre serait finie depuis longtemps. Mais aujourd’hui mon houblon pourrit en magasin, les commandes à l’intérieur sont insignifiantes, l’exportation est nulle, et l’Italie reste neutre. Alors pourquoi l’Italie, je vous le demande un peu, avait-elle encore renouvelé en 1912 la Triple-Alliance ? Et le ministre italien des affaires étrangères, M. le marquis di San Giuliano ? Que fait-il, ce monsieur ? Est-ce qu’il dort ou quoi ? Savez-vous ce