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invita la jeune femme à l’attendre et entama une discussion sur la guerre avec un des factionnaires. La dame épiait Chvéïk de l’autre côté du trottoir et manifestait son impatience par des mouvements nerveux, cependant que Chvéïk n’arrêtait pas de discourir et arborait une expression aussi stupide que celle de l’archiduc Charles sur une photographie récemment parue dans la « Chronique de la grande guerre » : Le successeur du trône autrichien causant avec deux aviateurs qui viennent d’abattre un avion russe.

Chvéïk s’assit sur le banc et continua à renseigner les soldats sur la situation stratégique. Dans les Carpathes, les attaques de l’armée autrichienne avaient, paraît-il, remporté un échec complet ; mais d’autre part le général Kouzmanek, commandant de Przemysl, se serait avancé jusqu’à Kyjev[1]. En Serbie, nous aurions prudemment laissé onze solides points d’appui et les Serbes seraient bientôt exténués de courir après nos soldats.

Ensuite, Chvéïk passa à une critique serrée les derniers combats et fit une découverte : il constata qu’un détachement de soldats cerné de partout par l’ennemi devait forcément capituler.

Enfin, jugeant qu’il avait assez parlé, il quitta son banc pour dire à la jeune femme de patienter encore un peu. Sur ce, il monta au bureau où il trouva le lieutenant Lucas en train de corriger le projet d’une tranchée, fait par un sous-lieutenant, en lui signifiant qu’il ne savait même pas dessiner et ne comprenait rien à la géométrie.

— C’est comme ça qu’il faut vous y prendre, voyez-

  1. On sait que le général Kouzmanek avait dû livrer la forteresse de Przemysl aux Russes et avait été transporté à Kyjev comme prisonnier de guerre. (Note du Traducteur.)