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cruauté bestiale, comme s’il venait d’échapper du livre de Lombroso « L’Homme criminel ».

Il fixa son regard sanguinaire sur Chvéïk et dit :

— Dites donc, ne faites pas l’idiot, hein !

— Ce n’est pas ma faute, répondit gravement Chvéïk ; j’ai été réformé pour idiotie et reconnu par une commission spéciale comme étant idiot. Je suis un crétin d’office.

Le monsieur à la physionomie patibulaire grinça des dents :

— Ce dont vous êtes accusé prouve assez que vous jouissez de la plénitude de vos facultés intellectuelles.

Et il cita à Chvéïk toute une série de crimes, commençant par la haute trahison et finissant par la lèse-majesté et les outrages envers les membres de la maison impériale. Au milieu de la série brillait l’apologie de l’assassinat de l’archiduc Ferdinand, accompagnée d’autres crimes de même catégorie, tel le trouble apporté à la paix publique, Chvéïk ayant parlé en lieu public.

— Qu’est-ce que vous en dites ? questionna triomphalement le monsieur aux traits de cruauté bestiale.

— Ce que j’en dis ? Qu’y en a trop, répondit Chvéïk d’un air innocent, et, comme on dit, trop est trop.

— Au moins vous le reconnaissez ?

— Je reconnais tout, moi. Il faut de la sévérité. Sans elle on n’irait pas loin. C’est comme quand je faisais mon service militaire…

— Votre gueule ! s’écria le conseiller de police ; vous parlerez quand on vous dira de parler. Compris ?