Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée

vouliez le vendre comme un chiot d’un an, ou encore le faire passer, lui qui est grand-père, pour un chiot de 9 mois, vous n’avez qu’à acheter de l’argent fulminant ; vous le faites fondre et avec çà, vous badigeonnez la bête, en noir, qu’elle paraît toute neuve. Pour lui donner de la force, vous lui faites manger de l’arsenic et vous lui nettoyez les dents à l’émeri, celui dont on se sert pour nettoyer les couteaux rouillés. Avant d’aller le vendre, vous lui fourrez dans la gueule un peu d’eau-de-vie pour le saouler, ça le rendra tout de suite vif et folâtre ; il aboie vigoureusement et fait des amitiés aux gens dans la rue, comme un conseiller municipal en goguette. Mais ce qu’il faut surtout, c’est raconter des boniments à l’acheteur pour lui bourrer complètement le crâne. Si quelqu’un veut acheter un ratier et si vous n’avez sous la main qu’un chien de chasse, il faut savoir retourner l’acheteur de façon qu’il prenne le chien de chasse à la place du ratier. Maintenant, si un bonhomme vient pour acheter un dogue d’Ulm et si vous n’avez qu’un ratier, il faut tellement lui en raconter qu’il emporte, tout guilleret, le ratier nain dans sa poche à la place du molosse. Quand je tenais mon commerce de chiens, une vieille dame est venue un jour me voir ; elle m’a dit que son perroquet s’était envolé dans un jardin où il y avait des mauvais garnements qui jouaient aux Indiens, que ces gosses avaient arraché la queue du perroquet et qu’ils s’en étaient coiffés comme des agents de police autrichiens. Ce pauvre perroquet, qu’elle m’a dit, a fini par crever, d’abord de honte d’être sans queue et ensuite d’un médicament que lui avait donné un vétérinaire. Elle voulait acheter un nouveau perroquet