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à moitié crevée à la place d’un chien de sang. Et tout le monde me demandait des pedigrees ; j’ai dû en faire imprimer, et donner des pauvres toutous de faubourg, qui étaient nés dans une tuilerie, pour des chiens sortant du chenil de l’éleveur bavarois Armin von Barnheim. Il fallait ça pour contenter les clients : ils s’étonnaient parce qu’un chien si précieux, venant de si loin, d’Allemagne, était poilu et n’avait pas les pattes torses. Des trucs comme ça, on en pratique dans tous les grands chenils, et les chiens qui peuvent se vanter d’être de race, ils sont plutôt rares. Il y en a dont la mère ou la grand-mère s’est oubliée avec un monstre quelconque, il y en a aussi qui ont eu plusieurs pères et ont hérité quelque chose de chacun ; ils ont les oreilles de l’un, la queue d’un autre, le poil sur le museau d’un troisième, le chanfrein d’un quatrième, l’influence du cinquième les fait boiter, ils ont la taille du sixième ; et comme il y en a qui ont une douzaine d’auteurs, vous pouvez vous imaginer, mon lieutenant, quel type de cabot ça donne. Une fois, j’ai acheté par pitié un chien comme ça, Balaban, qui avait honte même de sortir et se tenait tout le temps dans son petit coin. J’ai dû le vendre à un client en Moravie et le faire passer pour un griffon d’écurie. Ce qui m’a coûté le plus de travail, c’était de le teindre en poivre et sel.

Le lieutenant prêtant une oreille attentive à ses explications cynologiques, Chvéïk put continuer :

— Les chiens ne peuvent pas se teindre eux-mêmes leurs poils comme les dames leurs cheveux, c’est à celui qui les vend de s’en charger. Si un chien est si vieux qu’il est tout gris, et que vous