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— Je vous déclare avec obéissance, mon lieutenant, que je suis vraiment ce que vous venez de dire. C’est bien ma déveine, elle me poursuit depuis mon enfance. Je pense toujours à arranger les choses pour le mieux, je ne veux que le bien de tout le monde et, à la fin des fins, je ne fais que mon malheur et celui de tout le monde autour de moi. J’ai voulu sérieusement que le chat fasse connaissance avec le canari et c’est pas ma faute si cette bête l’a dévoré et si la connaissance n’a pas eu le temps de se faire. Il y a quelques années, dans la Maison Stupart, un chat s’est envoyé même un perroquet, parce que l’oiseau se moquait de lui en imitant son miaulement. Mais les chats ont la vie dure. Si vous m’ordonnez, mon lieutenant, de le tuer, il faudra que je l’écrase contre la porte, autrement, il n’y aura pas moyen d’en venir à bout.

Sans quitter son air le plus innocent et son sourire de bonté désarmante, il initia le lieutenant à l’art de tuer les chats. Ce discours aurait certainement rendu fous de rage tous les membres de la « Société protectrice des animaux ».

Il se montra si compétent sur ce chapitre que le lieutenant Lucas, oubliant sa colère, lui demanda :

— Vous avez l’air de vous y connaître, en animaux. Est-ce que vous les comprenez et est-ce que vous les aimez ?

— J’aime surtout les chiens, déclara Chvéïk, parce que c’est un commerce qui rapporte beaucoup à celui qui sait se débrouiller. Moi, au commencement, ça ne marchait pas, parce que j’étais trop honnête, et encore il y avait des particuliers qui me reprochaient de leur avoir vendu une bête