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en rang comme pour un défilé et disait :

— Soldats, eh, n’oubliez pas, eh, qu’on est mercredi aujourd’hui, eh, parce que demain, eh, on sera jeudi, eh.

Le lieutenant Lucas haussa les épaules comme un homme qui ne sait que penser ou qui ne veut pas comprendre.

Il se contenta donc de marcher entre la porte et la fenêtre, passant et repassant devant Chvéïk qui, selon le règlement, le suivait des yeux pour être prêt à lire dans les siens. Le regard de Chvéïk exprimait tant de candeur que le lieutenant Lucas reprit, sans faire semblant d’avoir entendu l’histoire du capitaine idiot :

— Oui, chez moi il faut de l’ordre, de la propreté, et surtout jamais de mensonge. Le mensonge est quelque chose que je déteste et que je punis sans merci. Est-ce que vous me comprenez ?

— Je vous déclare avec obéissance, mon lieutenant, que je vous comprends très bien. Rien de plus mauvais que quand on ment. Dès qu’on commence à s’embrouiller, on est fichu. Dans un village près de Pelhrimov, il y avait un instituteur qui s’appelait Vanek, et il courtisait la fille du garde forestier Spera. Cet homme-là a fait savoir à l’instituteur que s’il l’attrapait jamais dans le bois derrière les jupes de sa fille, il lui expédierait dans le derrière du crin coupé, mélangé avec du sel. L’instituteur lui a fait répondre qu’il n’allait jamais au bois avec la fille : mais une fois qu’il attendait la gosse, le garde lui est arrivé le nez dessus et allait déjà le soumettre à la petite opération promise : alors l’instituteur a juré qu’il était seulement venu pour cueillir une fleur qui manquait dans son herbier, et le garde a