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efforts restèrent vains. Pendant des années entières, il luttait désespérément avec les ordonnances, en changeant sans cesse, mais chaque fois il finissait par soupirer : « Encore un abruti pire que le dernier ! » En désespoir de cause, il les considérait comme une espèce inférieure du règne animal.

D’ailleurs, il aimait les animaux. Il avait un serin de Harz, un chat angora et un griffon d’écurie. Tous les tampons qu’il avait eu successivement à son service maltraitaient ces animaux bien plus que le lieutenant Lucas ne les maltraitait eux-mêmes quand ils avaient commis la plus grande saleté.

Ils laissaient tous, comme un seul homme, mourir de faim le serin, l’un d’eux creva un œil au chat et l’infortuné griffon était rossé jusqu’au sang par eux tous indistinctement. L’un des prédécesseurs de Chvéïk s’était même avisé de conduire la pauvre bête à la fourrière à Pankrac, pour la faire exécuter, et paya joyeusement de sa poche les dix couronnes, prix de cette opération. Il annonça tout simplement au lieutenant que le chien s’était égaré à la promenade. Mais le cruel tampon fut bien puni, car on l’envoya d’urgence rejoindre sa compagnie.

Lorsque Chvéïk se présenta chez le lieutenant Lucas pour lui annoncer qu’il passait à son service, son nouveau maître le fit entrer dans sa chambre et lui dit :

— Vous m’êtes recommandé par Monsieur l’aumônier Katz et j’espère que vous serez digne de sa recommandation. J’ai déjà eu pas mal d’ordonnances et ils n’ont pas vieilli à mon service. Je tiens à vous faire remarquer que je suis très exigeant