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était de voir les soldats suspendus aux arbres, les poignets croisés au creux des reins de façon à toucher juste le sol du bout du pied.

Enfin, les tampons constituaient une caste à l’égoïsme sans bornes.


3.

D’origine tchèque, le lieutenant Lucas était le type achevé de l’officier de carrière dans la Monarchie austro-hongroise, à la veille de la débâcle. L’école des cadets avait fait du lieutenant un être à deux visages, une sorte d’amphibie. Dans le monde, il parlait allemand, langue dans laquelle il écrivait aussi, mais il lisait de préférence des livres écrits en langue tchèque et, au cours qu’il était chargé de donner aux candidats du « volontariat d’un an », futurs officiers de réserve, qui, du reste, étaient tous Tchèques, il disait souvent à ses élèves sur un ton de confidence : « Nous savons que nous sommes Tchèques, mais il est inutile de le crier sur les toits. Moi aussi, je suis Tchèque, vous savez. »

Il considérait la qualité de Tchèque comme une sorte de société secrète où il serait dangereux d’être impliqué.

En dehors de ce point, ce n’était pas un méchant homme ; il ne craignait pas ses supérieurs et, aux manœuvres, s’occupait avec sollicitude de sa compagnie. Il s’arrangeait toujours pour la loger confortablement dans des greniers, et souvent payait, de sa poche, à boire aux hommes.

Il était content d’entendre chanter les soldats en