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est pour ça qu’il faut terroriser, pour que le deuil soit à la hauteur de la peine.

— Je suis innocent, je suis innocent ! répéta l’homme aux poils hérissés.

— Jésus-Christ aussi était innocent, répondit Chvéïk, et on l’a crucifié quand même. Depuis que le monde existe, c’est toujours et partout des innocents qu’on s’est le plus foutu. Maul halten und weiter dienen ![1] comme on disait au régiment. C’est encore ce qu’il y a de mieux et de plus chic.

Chvéïk s’allongea sur le lit et s’assoupit avec satisfaction.

Entre temps, on introduisit encore deux « nouveaux » L’un d’eux était marchand ambulant de Bosnie. Il marchait de long en large dans la cellule et il n’ouvrait la bouche que pour proférer « Ybenti douchou ![2]» Il s’affligeait à l’idée que son panier de gottscheeber allait se perdre au commissariat.

Le second arrivé fut M. Palivec. Dès qu’il aperçut son ami Chvéïk, il le réveilla et lui annonça d’une voix tragique :

— Me voilà ! Je viens te rejoindre !

Chvéïk lui serra cordialement la main et dit :

— Ça me fait vraiment plaisir. Je me doutais bien que monsieur le détective tiendrait sa parole quand il a dit qu’il irait te chercher sans faute, toi aussi. Une exactitude pareille, j’aime ça !

Mais M. Palivec observa qu’il se fichait parfaitement de cette exactitude, qu’autant valait la merde, et il demanda à voix basse si les autres inculpés n’étaient pas par hasard des voleurs, ce

  1. La fermer et obéir !
  2. Jurons populaires bosniaques.