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Le tampon cultivait aussi des relations avec le cuisinier. Il errait toute la sainte journée autour des marmites et commandait son menu comme au restaurant.

— Donne-moi une bonne tranche bien entrelardée, disait-il ; hier, tu m’as foutu rien que des os. Mets-y aussi un bout de foie dans ma soupe, tu sais bien que je ne bouffe pas de rate.

La spécialité du tampon était de semer la panique. Au bombardement des tranchées, il lâchait son courage dans son pantalon. À ces moments-là, il se terrait avec ses bagages et ceux de son officier dans un refuge préparé à l’avance, et se faisait encore un bouclier d’une des couvertures. Il souhaitait alors ardemment que son officier fût blessé, ce qui lui permettrait de se retirer à l’arrière, bien loin à l’intérieur.

Pour provoquer la panique, il s’entourait toujours de quelque mystère. « Il me semble qu’ils sont en train de replier le téléphone », confiait-il au passage en allant de section à section. Et il n’était jamais si content que quand il pouvait affirmer : « Ça y est, le téléphone est bouclé ! »

Personne ne goûtait autant que lui les joies de la retraite. Alors il en arrivait à oublier que les balles et les shrapnels sifflaient au-dessus de sa tête ; il se frayait énergiquement un chemin, toujours avec ses bagages, jusqu’au siège de l’état-major où stationnait le train. Il aimait beaucoup le train de l’armée autrichienne et profitait largement de sa qualité de tampon pour le charger de sa personne et de ses bagages. Le cas échéant, il ne dédaignait pas d’avoir recours pour ce service aux chariots sanitaires. Quand il était obligé d’aller à pied, il marchait en homme abattu