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au mépris de la mort et en restant fidèlement aux côtés de son officier sous le feu de l’ennemi qui préparait une attaque. »

Ses seuls exploits guerriers consistaient à saccager, loin du front et sans coup férir, les poulaillers du voisinage.

La guerre eut pour effet non seulement de modifier la position du tampon envers son maître, mais aussi d’en faire l’individu le plus honni de tous les hommes sans distinction. À la distribution des boîtes de conserves – une pour cinq hommes – le tampon s’en appliquait une à lui tout seul. Sa gourde était toujours remplie de rhum ou de cognac. Toute la journée, il ne faisait que mastiquer du chocolat, boulotter des biscuits d’officiers, fumer les cigarettes de son patron, fricoter, pendant des heures entières, de petits plats et des gourmandises et se promener en veste de parade.

Le tampon vivait toujours en d’intimes rapports avec l’ordonnance de la compagnie ; il l’approvisionnait en reliefs de la table de son officier et de la sienne, et l’admettait aux avantages dont il jouissait lui-même. Avec le sergent-major de la comptabilité, ces deux hommes formaient un trio pour lesquels l’existence de l’officier n’avait pas de secret, ainsi, du reste, que tous les plans d’opérations et tous les ordres de bataille.

La section la mieux informée était toujours celle dont le caporal était le plus lié avec le tampon.

Quand celui-ci avait dit par exemple : « À deux heures trente-cinq on foutra le camp », c’est à deux heures trente-cinq précises que les soldats autrichiens se détachaient de l’ennemi.