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1912, à Gratz en Styrie, un procès sensationnel apporta des documents précieux sur le sujet qui nous préoccupe : Un capitaine tua son ordonnance à coups de pied, comme il avait l’habitude de lui en administrer systématiquement. Le conseil de guerre l’acquitta sous prétexte que l’officier n’en était qu’à son deuxième cas. La vie individuelle du tampon n’a donc aucune valeur ; ce n’est qu’un souffre-douleur, un esclave et, par dessus le marché, une bonne à tout faire. Dans ces conditions, rien d’étonnant qu’il se défende par la ruse.

Il y a des cas où le « tampon » est élevé au rang d’un « favori » ; alors, il fait la pluie et le beau temps dans la compagnie et le bataillon. Tous les sous-officiers veulent s’attirer ses bonnes grâces. C’est lui qui décide des permissions, c’est lui qui intervient au rapport pour que tout marche bien.

Pendant la guerre, ces favoris méritaient force médailles d’argent, grandes et petites, digne récompense de leur courage et de leur valeur.

Le quatre-vingt-onzième de ligne comptait plusieurs de ces héros ainsi honorés. Un tampon reçut la grande médaille d’argent seulement parce qu’il était expert à voler et à cuisiner des oies. Un autre eut la petite médaille d’argent parce qu’il n’était jamais à court de savoureuses denrées alimentaires qu’on lui envoyait de chez lui, et qu’il en ravitaillait son maître en telle quantité que celui-ci s’en flanquait tous les jours une bosse.

C’est en ces termes que sa décoration fut proposée par son maître à qui de droit :

« Pour avoir fait preuve, au cours de plusieurs combats, d’un courage et d’une valeur exceptionnels