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par des soldats mercenaires, au service des chevaliers. Sancho Pansa, le fidèle serviteur de don Quichotte, qu’était-il d’autre, en somme ? Je me suis toujours étonné qu’aucun savant n’ait pensé à écrire l’histoire des ordonnances à travers les siècles. Elle nous apprendrait que le duc d’Almaviva mangea son ordonnance au siège de Tolède. Comme ce gentilhomme nous le dit dans ses Mémoires, il avait si grand’faim qu’il ne pensa même pas à saler sa victime ; elle avait la chair tendre, fondante comme du beurre et d’un goût entre la poule et l’âne.

Dans un vieux livre bavarois sur l’art militaire, on trouve aussi des instructions à l’usage des ordonnances. D’après ce livre, les qualités requises pour celui qui se destinait à cette carrière, étaient : la piété, la vertu, l’horreur du mensonge, la modestie, la vaillance, l’audace, l’honnêteté et l’amour du travail. En un mot, l’ordonnance devait réaliser l’idéal du temps. Notre âge moderne a apporté au type de l’ordonnance une modification assez sensible. Le « tampon » d’aujourd’hui n’est plus ni pieux, ni vertueux, ni véridique. Il ment, il escroque son maître dont la vie, grâce à lui, devient souvent un enfer. C’est un astucieux esclave qui invente toutes sortes de machinations pour empoisonner l’existence de son maître.

La nouvelle génération des tampons est loin d’offrir des serviteurs dévoués jusqu’à se laisser manger sans sel comme le magnanime Fernando du duc d’Almaviva. D’autre part, nous voyons que les maîtres d’aujourd’hui, en livrant à leurs ordonnances une lutte acharnée pour sauvegarder leur autorité, ne reculent devant aucun moyen. C’est, en quelque sorte, le règne de la terreur. En