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s’appelle pas une déveine, ça ? Le vieux Voyvoda était tout pâle et embêté comme une poule qui trouve un couteau, les autres commençaient à chuchoter que c’était un vieux tricheur qui faisait sauter la coupe ; ils disaient aussi qu’il avait déjà ramassé une volée à cause de ça, et pensez que c’était lui le plus honnête d’eux tous. Et il y avait déjà cinq cents balles à la banque. Le bistro n’y tenait plus. Il avait justement préparé de l’argent pour payer la brasserie, il l’a pris, il s’est assis et s’est mis à miser d’abord deux cents balles, après il a retourné sa chaise en fermant les yeux pour attirer la veine et il a dit « Messieurs, je fais banco ! » Et encore : « Jouons cartes sur table ! » Le vieux Voyvoda aurait donné tout ce qu’il avait pour perdre ce coup-là. Il a étonné tout le monde en gardant le sept qu’il venait de tourner. Le bistro rigolait dans sa barbe, parce qu’il avait déjà vingt et un en main. Le vieux Voyvoda lève encore un sept, il le garde. « Maintenant vous allez lever un as ou un dix, lui dit le bistro ; et je vous parie ma tête à couper que vous êtes mort ! » On aurait entendu voler une mouche, le vieux Voyvoda tourne et figurez-vous qu’il tire le troisième sept. Le patron est devenu vert, il était complètement décavé ; il s’en va à la cuisine et cinq minutes après, son commis vient chercher les gars pour couper la corde du patron qui se balançait pendu à l’espagnolette de la fenêtre. On l’a décroché, on l’a fait revenir à lui et on a continué à jouer. Personne n’avait plus de pèze, tous les sous dans la banque étaient entassés devant Voyvoda qui ne faisait que dire : « Un roi ou un huit, et je passe la main ! » et qui aurait voulu à tout prix être mort ; mais comme il était obligé de jouer à cartes ouvertes,