Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée

puisqu’elle avait seulement accouché d’une petite fille qu’elle avait réussi, du reste, à étrangler sans douleur. Serments perdus : elle a été condamnée quand même pour double assassinat. Ou bien, prenez ce tzigane, tout à fait innocent, qui voulait cambrioler, le jour de Noël, la boutique d’une épicière à Zabehlice. Celui-là a juré aussi qu’il y était rentré pour se chauffer un peu parce qu’il faisait un froid de chien. Pas la peine, condamné aussi. Quand un Procureur impérial s’occupe d’une chose, il y a toujours du mauvais. Et il faut qu’il y en ait, quoique tous les gens ne soient pas des fripouilles comme on pourrait le supposer. Ce qui est embêtant, c’est qu’aujourd’hui, il n’y a pas moyen de distinguer un homme honnête d’une crapule. Surtout à cette heure, les temps sont si durs que les archiducs mêmes y passent. Quand j’étais au régiment à Budejovice, on a tué une fois, dans le bois derrière le champ de manœuvres, le chien à notre capitaine. Quand il a appris la nouvelle, il nous a fait aligner et a fait sortir du rang tous les numéros dix. J’en étais, moi aussi, bien entendu, et nous restions là au « garde à vous » sans sourciller. Le capitaine se promène autour de nous, et tout d’un coup il dit : « Chenapans, fripons, assassins, hyènes rayées, à cause de ce chien, j’ai envie de vous foutre tous au bloc, de vous hacher en pâte pour faire du macaroni, de vous fusiller et de fabriquer avec vous des portions de carpes marinées. Mais, pour vous montrer que je ne vous ménagerai pas, vous aurez chacun quinze jours de tôle ». Et, n’est-ce pas, il s’agissait alors d’un malheureux cabot, tandis qu’aujourd’hui c’est l’archiduc qui est descendu. C’