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mon ordonnance Chvéïk. Un imbécile épique, un type très intéressant, le nec plus ultra du genre. Jamais personne n’a eu une ordonnance pareille.

— Je veux bien te prêter cent couronnes, répondit le lieutenant Lucas. Si tu ne me les rends pas après-demain au plus tard, tu n’auras qu’à me passer ton as de tampon. Le mien est insupportable. Il ne fait que se lamenter, il écrit toute la journée des lettres chez lui et avec ça, il vole tout ce qui lui tombe sous la main. J’ai eu beau le battre, rien n’y fait. Chaque fois que je le vois, je le gifle, mais ça ne m’avance pas. Je lui ai cassé comme ça deux dents de devant, ça ne lui a fait aucun effet.

— Entendu, alors, dit le feldkurat avec insouciance, va pour cent couronnes ou mon Chvéïk après-demain.

Ayant perdu les cent couronnes, il prit tristement la direction de son logis car il savait bien qu’il lui serait impossible de payer sa dette et qu’il avait bassement vendu son fidèle serviteur pour une misérable somme.

— J’aurais bien pu lui demander le double, méditait-il en changeant de tramway ; mais les remords l’emportaient sur les regrets.

— C’est dégoûtant tout de même, ce que j’ai fait là, pensa-t-il en ouvrant la porte de son appartement ; comment oserai-je supporter son regard de bête innocente ?

— Mon cher Chvéïk, dit-il quand il se trouva face à face avec son ordonnance, il est arrivé aujourd’hui un événement extraordinaire. J’ai eu une déveine fantastique aux cartes. Je faisais tout sauter. Une fois j’ai eu sous la main un as, une autre fois un dix, et le banquier qui n’avait chaque