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le bon Dieu leur accorde, après la mort, son salut éternel.

Pâle et émue, elle s’entretint longuement avec le feldkurat, lui disant que la guerre exerçait une influence déplorable sur les âmes des soldats. Au lieu de les élever à un niveau spirituel supérieur, elle en faisait de véritables brutes. Dans la salle du bas, les patients lui tiraient la langue, osant traiter leur bienfaitrice de vieille scie et de souris d’église. Das ist wirklich schrecklich, Herr Feldkurat, das Volk ist verdorben.[1]

Et elle se mit à expliquer comment elle comprenait l’éducation religieuse du soldat. C’est le soldat qui croit en Dieu et qui possède une foi profonde qui se battra vaillamment pour son Empereur et ne craindra pas la mort, puisqu’il sait que le paradis l’attend.

L’infatigable discoureuse n’aurait peut-être jamais fini si le feldkurat ne s’était pas résolu à prendre congé d’elle, au défi de toute galanterie.

— Chvéïk, nous allons partir, cria-t-il dans le corps de garde. Quelques minutes après, la voiture les ramenait au logis, sans « chambard » cette fois.

— Plus jamais ils ne m’auront à aller administrer, prononça le feldkurat ; ils feront bien de s’adresser à quelqu’un d’autre. Pour chaque âme à laquelle je suis prêt à apporter le salut, je suis obligé de marchander avec eux comme à la foire. Ils ne voient que leur comptabilité, bande de voleurs !

Apercevant la petite bouteille d’huile « bénite » que

  1. C’est vraiment terrible, M. l’Aumônier, le peuple est pourri.