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— Tout ça, c’est en attendant la victoire, fit remarquer Chvéïk.

— Un tampon comme toi, tu parles de gagner la guerre ? dit un caporal de son lit. Si ça dépendait de moi, je vous enverrais tous au front, dans les tranchées, je vous ferais galoper comme on nous a fait à nous autres, contre les baïonnettes de l’ennemi, contre les mitrailleuses, je vous ferais tomber dans des trous à loups et danser sur du terrain miné. Tous ces gens sont d’accord pour se la couler douce à l’arrière, et personne ne veut se faire tuer sur le champ de bataille. Ils sont plus malins que nous.

— Pour moi, je crois qu’il n’y a rien de plus beau que de se faire perforer par une baïonnette, dit Chvéïk, et ce n’est pas si mauvais que ça non plus de recevoir une balle dans le ventre, ou bien de se faire mettre en pièces par un shrapnel. On doit être plutôt étonné de voir ses jambes et son ventre fausser compagnie au reste du corps. On a le temps d’être mort avant d’avoir compris ce qu’il vous arrive.

Le jeune conscrit poussa un soupir. Il regrettait d’être si jeune et se demandait pourquoi il était justement né dans un siècle où on conduisait les jeunes gens à la boucherie comme un bétail aux abattoirs. Quel était le sens de tout cela ?

Un soldat, instituteur dans le civil, fit observer, comme s’il lisait les idées du bleu :

— Certains savants expliquent les guerres par l’apparition des taches solaires. Une tache solaire annonce toujours un grand malheur pour l’humanité. La prise de Carthage…

— Tu ferais bien de garder toute cette science pour