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ça vous aurait coûté cinquante couronnes en plus. »

Pendant ce temps-là, Chvéïk attendait son maître dans la salle du corps de garde, où la bouteille d’huile bénite excitait un vif intérêt.

Un soldat opina que cette huile conviendrait épatamment pour nettoyer les fusils et les baïonnettes.

Un jeune conscrit originaire d’un pays du plateau tchéco-morave supplia ses camarades de changer de conversation et de laisser tranquilles les mystères de la religion. « Le devoir d’un bon chrétien est d’espérer », proclama-t-il.

Un vieux réserviste jeta un regard sournois sur le bleu et déclara :

— Espérer, oui, qu’un shrapnel te coupe la tête. Tout ce qu’ils nous ont débité, c’était des menteries. Dans notre patelin, il est venu une fois un député du parti clérical, et ce coco-là a parlé d’une paix divine planant au-dessus de la terre entière et raconté que le bon Dieu réprouvait la guerre et ne voulait que voir les hommes éternellement vivre en paix et s’aimer comme frères. C’te bonne blague ! Nous voilà en pleine guerre, et qu’est-ce qu’on voit ? Dans toutes les églises de tous les pays les prêtres prient pour le « succès des armes », ils traitent le bon Dieu comme le chef d’un état-major universel qui combinerait les opérations sur tous les fronts à la fois. Dans cet hôpital-là, ce que j’en ai vu des enterrements militaires, des fourgons pleins de jambes et de bras coupés !

— Et on enterre les soldats tout nus, dit un autre : les uniformes, on les garde pour les servir aux vivants.