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La soirée, consacrée aux méditations, comprit des péripéties diverses. Le feldkurat s’éleva vers Dieu avec tant d’énergie et de ferveur que passé minuit on entendait encore la chanson suivante s’échapper de l’appartement :


Quand nous autres soldats quittons le village,
Toutes les belles filles pleurent sur not’passage.


Le brave soldat Chvéïk soutenait de sa voix celle de son maître.

Deux militaires désiraient recevoir l’Extrême-Onction : un vieux lieutenant-colonel et un employé de banque, officier de réserve. Tous les deux avaient le ventre troué d’une balle reçue dans les Carpathes, et leurs lits étaient voisins. L’officier de réserve croyait de son devoir d’imiter son supérieur qui, lui, avait fait appel aux derniers sacrements par un adroit calcul, car il espérait que les prières d’un prêtre l’aideraient à recouvrer la santé. Mais ils moururent la nuit qui précéda l’arrivée du feldkurat.

— On a fait tant de chambard, monsieur l’aumônier, et tout ça pour rien ! ces malheureux nous ont tout gâté, dit Chvéïk, outré, lorsqu’on lui apprit au bureau de l’hôpital que « ces deux-là n’avaient plus besoin de rien ».

Quant au « chambard », Chvéïk n’exagérait pas. Ils avaient pris un fiacre ouvert. Tout le long du trajet, Chvéïk agitait la sonnette, et le feldkurat, qui tenait en main la bouteille d’huile, enveloppée dans une serviette blanche, bénissait au passage les gens respectueusement arrêtés et nu-tête.

Ils n’étaient pas trop nombreux malgré le bruit infernal fait par Chvéïk avec sa sonnette. Quelques