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— Vous n’agissez pas bien, Chvéïk ; qui reçoit un hôte reçoit Dieu. Aux temps anciens les seigneurs admettaient à leur table des bouffons monstrueux pour les divertir à leur festin. Apportez le type pour qu’il soit notre bouffon.

L’individu persévérant apparut.

— Asseyez-vous, fit aimablement le feldkurat, nous sommes en train d’achever notre dîner. Il y avait une langouste et du saumon et nous passons à l’omelette au jambon. Ben oui, on se régale, puisqu’il y a des gens assez bêtes pour nous prêter de l’argent.

— J’espère que vous ne vous payez pas ma tête, au moins, dit le convive inattendu. Voilà trois fois aujourd’hui que je viens vous voir. Il faut absolument nous entendre.

— Je vous déclare avec obéissance, dit Chvéïk, que ce monsieur est doué d’une fière persévérance. Il me rappelle un certain Bouchek de Liben : une fois, dans une seule soirée, il a été mis dix fois à la porte de la taverne Exner, et il y est rentré chaque fois sous prétexte qu’il avait oublié sa pipe. Il rentrait par la fenêtre, par la porte, par la cuisine, en sautant le mur du jardin, en montant de la cave au comptoir, et il serait certainement rentré par la cheminée si les pompiers, appelés en hâte, ne l’avaient pas fait descendre du toit. Avec tant d’esprit de suite, il a pu devenir ministre ou député.

L’intrus faisait semblant de ne rien entendre. Il répétait opiniâtrement :

— Je veux que la situation soit éclaircie et je désire que vous m’écoutiez.

— D’accord, dit le feldkurat, parlez, s’il vous plaît, honoré monsieur. Vous pouvez même parler aussi