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— Chvéïk, venez ici, ce monsieur désire aller prendre l’air.

— Je vous déclare avec obéissance, monsieur l’aumônier, que j’ai déjà mis ce monsieur à la porte tout à l’heure…

— Remettez-l’y encore une fois, commanda le feldkurat.

Chvéïk ne se fit pas prier pour obtempérer à cet ordre avec une joie maligne.

— Voilà qui est fait, monsieur l’aumônier, dit-il en fermant la porte ; heureusement qu’on l’a mis dehors avant qu’il n’ait fait un scandale. Il y avait à Melechice un bistro qui expulsait toujours les clients trop tapageurs à coups de matraque, en débitant des citations de la Bible. Par exemple : « Celui qui épargne le fouet n’aime pas son fils, mais qui aime bien, châtie bien, je t’apprendrai à te battre chez moi ».

— Vous voyez, Chvéïk, ce qui arrive aux gens qui n’honorent pas les prêtres, plaisanta le feldkurat. Saint Jean Bouche d’Or a dit : « Celui qui n’honore pas le prêtre n’honore pas Jésus-Christ ; celui qui offense Jésus-Christ offense le prêtre qui en tient la place. » – Mais il faut nous préparer convenablement pour demain. Faites une omelette au jambon et du grog.

Il existe au monde une race obstinée que rien ne décourage. Le monsieur mis deux fois à la porte de chez le feldkurat en faisait partie. Pendant que Chvéïk s’occupait du dîner, on sonna. Chvéïk alla ouvrir et revint dire :

— C’est encore le type de tout à l’heure, monsieur l’aumônier. Je l’ai enfermé dans la baignoire pour que nous ayons le temps de dîner tranquillement.